Quels sont les sujets législatifs, jurisprudentiels, contentieux de ces derniers mois que les DRH devront avoir en tête au moment de la rentrée ? C'est ce que nous avons demandé à plusieurs avocats. Dernier volet avec Pierre Warin, Camille Maurey et Florence Mohr du cabinet Melville Avocats. Au menu, l'attractivité des entreprises, la liberté d'expression et les licenciements économiques.
Point de vigilance n° 1 : l'attractivité des entreprises |
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"Trois enquêtes récentes ont mis en lumière le sentiment de malaise des salariés et de détresse psychologique, surtout chez les jeunes. Couplé avec les difficultés de recrutement, l'attractivité des entreprises devient un sujet opérationnel majeur pour les DRH. A cet égard, les entreprises doivent avoir en tête plusieurs points de vigilance juridique pour la rentrée 2022. 1. Avec le développement du télétravail, il convient de porter une attention particulière aux frais de transport travail-domicile. Avec la crise sanitaire, de nombreux salariés ont changé de domicile et se sont éloignés de leur lieu travail. Or, dans un jugement du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Paris a décidé qu'en raison du libre choix de domiciliation du salarié, l'employeur devait prendre en charge les frais de transport à hauteur de 50 % comme le prévoit la loi (60 % dans l'affaire en cause en application du statut collectif). La solution est logique au regard du droit positif actuel. L'employeur ne peut pas instituer une différence de traitement entre salariés fondé sur le choix du lieu de domicile.. Toutefois, si le salarié jouit de la liberté de domiciliation, l'employeur, pour sa part, est libre de prévoir des conditions en matière de télétravail. En effet, le télétravail n'est aujourd'hui pas un droit pour les salariés, seulement une possibilité. Rien n'oblige l'employeur, depuis la fin du confinement, de proposer du télétravail et rien ne lui interdit, dans le cadre d'un d'accord collectif ou d'une décision unilatérale après consultation du CSE, de prévoir des conditions à l'accès au télétravail, notamment celle que le domicile du salarié ne soit pas trop éloigné du siège de l'entreprise. L'employeur aura intérêt à justifier cette limitation au regard, par exemple, des urgences professionnelles, des risques pour la santé du salarié en de longs trajets ou bien encore de frais de transport excessifs pour l'entreprise. Dans ce cas, il n'y a pas de rupture d'égalité dans le traitement des salariés ; les conditions pour bénéficier du télétravail sont les mêmes pour l'ensemble des salariés, qui par ailleurs restent libres de se domicilier où ils le souhaitent, mais en fonction auront ou non accès au télétravail. L'employeur peut toutefois faire preuve de bon sens et prévoir comme distance maximale celle où habite, lors de la mise en place de cette règle, les salariés les plus éloignés du siège social afin de ne pas en exclure certains, mais la règle prévaudra pour les nouveaux embauchés qui ne pourront pas bénéficier du télétravail s’ils l’exercent au-delà du périmètre géographique objectivement défini. 2. Les entreprises doivent également rechercher une meilleure articulation vie privée/vie professionnelle. Les employeurs ont intérêt aujourd'hui, pour limiter la perception de souffrance au travail et renforcer l'attractivité de leur entreprise, à donner, par accord collectif, le plus possible de souplesse dans la durée et l'organisation du travail (surtout dans le secteur des services qui s'y prête le plus). Il y a en effet une forte demande d'autonomie de la part des salariés, surtout des jeunes. Je rappelle cependant à cet égard qu'en dehors des cadres dirigeants stricto sensu, même les salariés autonomes et/ou en forfait annuel en jours, doivent respecter les durées quotidiennes et hebdomadaires minimales de repos et l'interdiction, sauf exceptions strictes, du travail dominical. Il convient donc de mettre en place un système auto-déclaratif pour que les salariés, notamment ceux en forfait-jours, puissent évaluer leur charge de travail et amplitude de travail et signaler les anomalies notamment au regard des règles rappelées ci-avant. S'il n'y a pas de système de traçage automatique, il faut prévoir un dispositif permettant aux salariés en forfait annuel en jours d'entrer, par exemple, chaque semaine, les jours travaillés et non travaillés et un champ "remarques" pour qu'ils puissent apporter toute remarque utile sur leur charge et l'amplitude de travail Il faut aussi rappeler une à deux fois par an, par mail collectif par exemple, aux salariés concernés les limites à respecter en termes d’organisation de leurs heures de travail. Un tel dispositif est important en cas de contentieux car en matière de durée du travail, la charge de la preuve appartient in fine à l'employeur. Le salarié doit simplement identifier les irrégularités soulevées, charge à l'employeur d'apporter la preuve contraire. 3. Le dernier point de vigilance juridique d’actualité concerne les risques liés au développement de l’imbrication vie personnelle-vie professionnelle au travail via les outils numériques et notamment ceux découlant de la communication sur les réseaux sociaux. Les employeurs ont tout intérêt à faire de la prévention. Il est ainsi utile de mettre en place une charte des bonnes pratiques portant notamment sur l'utilisation des réseaux sociaux et la communication digitale. Beaucoup de TPE/PME n'ont pas encore mis en place une telle charte. Il est également important de doter les salariés, y compris en télétravail, d'un équipement informatique appartenant à l’entreprise et qui permet à l'employeur d'en réglementer l'utilisation. Cela participe directement de la place croissante prise par le numérique dans l'exercice du travail". |
Point de vigilance n° 2 : le respect de la liberté d'expression du salarié |
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"La liberté d'expression est une liberté fondamentale protégée par l'article 10 de la CEDH et l'article 11 de la Déclaration de droits de l'Homme. La Cour de cassation rappelle régulièrement que, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. Jusqu'à un arrêt du 16 février 2022, la Cour de cassation semblait opérer une distinction dans la sanction lorsque le licenciement était fondé sur un usage non abusif de la liberté d'expression. Lorsque le salarié exerçait sa liberté d'expression pour dénoncer une atteinte à l'ordre social (exemple : dénonciation de faits de corruption), le licenciement était nul. En revanche, lorsque le salarié utilisait sa liberté d'expression pour formuler une opinion sur des faits qui n'étaient pas liés à l'ordre social (critique de la politique marketing de son entreprise par exemple), le licenciement était alors simplement considéré comme sans cause réelle et sérieuse, soit une sanction nettement moins lourde pour l’employeur. Dans l'arrêt du 16 février 2022 publié au bulletin, la Cour de cassation sanctionne, aux termes d’un attendu très général qui peut laisser supposer que la distinction ci-dessus n’aurait plus cours, le licenciement d'un salarié pour un usage non excessif de la liberté d'expression par la nullité du licenciement. Or, en cas de nullité, le salarié peut notamment solliciter sa réintégration dans l'entreprise avec paiement des salaires dont il a été privé pendant toute la période d’éviction. Il convient donc d'être très prudent dans ces situations car si la lettre de licenciement comporte un motif lié à l’exercice de sa liberté d’expression, c’est-à-dire en pratique un grief lié à la teneur de ses propos écrits ou verbaux, qui est susceptible d’entraîner la nullité du licenciement, celui-ci a un effet "contaminant" et l'emporte sur l'ensemble des autres motifs, le cas échéant, du licenciement en question, y compris si ces autres motifs sont en eux-mêmes valables. Il est donc recommandé d'éviter d'utiliser dans la motivation des licenciements un grief fragile sur la teneur des propos du salarié, d'autant plus que le juge pourra alors décider, s’il considère que le licenciement a porté atteinte à la liberté d’expression du salarié concerné, de ne pas examiner les autres motifs invoqués dans la lettre de licenciement". |
Point de vigilance n° 3 : période d'appréciation des difficultés économiques |
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"L'article L.1233-3 du code du travail prévoit que des licenciements économiques peuvent être justifiés par des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. S'agissant de la baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, elle est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à : a) Un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ; b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ; c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ; d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus. Le code du travail ne précise pas expressément la période à retenir pour effectuer la comparaison (année civile ou année comptable). Un arrêt du 1er juin 2022 a apporté une réponse. La Cour de cassation a tout d’abord rappelé que le juge devait se placer à la date du licenciement économique pour apprécier le motif de celui-ci. Au regard de ce principe, elle a en déduit que la durée de la baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires devait s'apprécier en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification du licenciement par rapport à celle de l'année précédente à la même période. Si la solution est cohérente en droit avec le principe selon lequel le juge doit se placer à la date de licenciement pour en apprécier le motif, elle risque de fragiliser les licenciements économiques collectifs, en particulier dans le cadre de PSE. Il s'agit en effet d'un long processus qui ne permet pas à l'employeur, au moment où il engage le processus, de connaître à l’avance avec précision le chiffre d'affaires ou le niveau des commandes de la période au cours de laquelle les licenciements interviendront, souvent plusieurs mois plus tard, avec le risque que les licenciements ne soient alors pas justifiés. En effet, la baisse du chiffre d'affaires ou de commandes ne justifie valablement des difficultés économiques que si elle s'inscrit dans la durée correspondant au nombre de trimestres prévus par la loi. Il convient donc d'être prudent et il est préférable, lorsque cela est possible, de coupler la référence aux indicateurs légaux ci-dessus avec un autre motif économique (par exemple la menace sur la compétitivité de l’entreprise) ou de justifier des difficultés économiques par tout autre argument pertinent, en complément des indicateurs légaux ci-dessus". |
Gestion du personnel
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